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L’arrestation de Pavel Durov continue de faire du bruit, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières, poussant Emmanuel Macron à réagir. Alors que la garde à vue est de nouveau prolongée, on connait désormais les douze chefs d’accusation. Selon l’Informé, cette affaire serait la suite d’une réquisition pour identifier des auteurs d’un canal Telegram.
Samedi soir, le cofondateur et CEO de Telegram, Pavel Durov, était arrêté à l’aéroport du Bourget. Un peu moins de 48 heures plus tard, le parquet du procureur de la République a publié un communiqué pour donner quelques détails.
Une information judiciaire ouverte début 8 juillet
On y apprend que le milliardaire franco-russe a été placé en garde à vue ce samedi à 20 h : « Cette mesure intervient dans le cadre d’une information judiciaire ouverte, le 8 juillet 2024, à la suite d’une enquête préliminaire d’initiative diligentée par la section J3 (lutte contre la cybercriminalité – JUNALCO) du parquet de Paris ».
JUNALCO pour Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée. Cette section cyber a une page de présentation dans laquelle on apprend qu’elle est compétente sur « l’ensemble du territoire national ». Elle comprend quatre magistrats, trois assistants et trois greffiers. Elle monte en puissance au fil des années avec 65 dossiers nationaux en 2019, 508 en 2020 et plus de 600 en 2021 et 2022.
Les magistrats en charge de l’affaire ont co-saisi le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et l’office national anti-fraude (ONAF) des investigations. La garde à vue (débutée samedi soir) peut durer jusqu’à 96 h, ce qui nous emmène à mercredi 28 aout. Après une première prolongation dimanche, elle était de nouveau prolongée lundi soir, jusqu’à mercredi.
12 chefs d’accusation
Le communiqué est l’occasion d’avoir la liste détaillée des 12 chefs d’accusation :
- Complicité – Administration d’une plateforme en ligne pour permettre une transaction illicite en bande organisée,
- Refus de communiquer, sur demandes des autorités habilitées, les informations ou documents nécessaires pour la réalisation et l’exploitation des interceptions autorisées par la loi,
- Complicité – Détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pédo pornographique,
- Complicité – Diffusion, offre ou mise à disposition en bande organisée d’image de mineur présentant un caractère pornographique,
- Complicité – Acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants,
- Complicité – Offre, cession ou mise à disposition sans motif légitime d’un équipement, un instrument, un programme ou donnée conçu ou adapté pour une atteinte et un accès au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données,
- Complicité – Escroquerie en bande organisée,
- Association de malfaiteurs en vue de 5 ans au moins d’emprisonnement,
- Blanchiment de crimes ou délits en bande organisée,
- Fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme,
- Fourniture d’un moyen de cryptologie n’assurant pas exclusivement des fonctions d’authentification ou de contrôle d’intégrité sans déclaration préalable,
- Importation d’un moyen de cryptologie n’assurant pas exclusivement des fonctions d’authentification ou de contrôle d’intégrité sans déclaration préalable.
Trois chefs autour de la « cryptologie »
Dans la longue liste des griefs, on retrouve trois points autour de la cryptologie (les trois derniers). Ils peuvent surprendre au premier abord, car, comme stipulé dans l’article 30 I. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, « l’utilisation des moyens de cryptologie est libre ».
Le III. apporte une nuance, « La fourniture, le transfert depuis un Etat membre de la Communauté européenne ou l’importation d’un moyen de cryptologie n’assurant pas exclusivement des fonctions d’authentification ou de contrôle d’intégrité sont soumis à une déclaration préalable […]. Le fournisseur ou la personne procédant au transfert ou à l’importation tiennent à la disposition du Premier ministre une description des caractéristiques techniques de ce moyen de cryptologie, ainsi que le code source des logiciels utilisés ».
Comme déjà expliqué, Telegram chiffre les communications, mais cela ne signifie pas pour autant que la plateforme ne peut pas accéder aux échanges. Elle possède les clés de chiffrement. Seule exception, les échanges secrets ou secret chat qu’il faut activer manuellement.
Une réquisition sans réponse = une arrestation
L’Informé donne des précisions sur les dessous de cette affaire. Marc Rees explique notamment que « ce dossier a franchi une étape décisive début août ». Un officier de police judiciaire « a signé une réquisition pour obtenir les données d’identification des auteurs d’un canal Telegram, aujourd’hui fermé. Cette réquisition a été envoyée aux îles Vierges britanniques, là où la messagerie est enregistrée ».
La suite, on la connait : « Faute de coopération satisfaisante avec les autorités françaises », on arrive à l’arrestation de Pavel Durov, expliquent nos confrères.
Des critiques à la réponse de Macron
Hier, Emmanuel Macron s’est exprimé sur cette arrestation sur X (avec également un tweet en anglais), affirmant qu’il lit « ici de fausses informations concernant la France suite à l’arrestation de Pavel Durov. […] L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer ».
Cette affaire fait, quoi qu’il en soit, couler beaucoup d’encre en dehors de nos frontières et provoque de vives réactions/critiques, qui ont d’ailleurs certainement poussé Emmanuel Macron à réagir.
« L’arrestation de Durov est une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme, à savoir la liberté d’expression et d’association », lâche Edward Snowden sur X. Elon Musk a publié deux messages : un premier « Liberté Liberté! Liberté? » et un autre avec le hashtag #FreePavel et un extrait d’une rare interview de Pavel Durov (avec Tucker Carlson).
Mercredi : stop ou encore ?
De nombreuses questions restent en suspens autour de cette arrestation, notamment sur les motivations de Pavel Durov qui a décidé de venir en France en sachant qu’il était recherché par la justice.
Mercredi au plus tard, une décision devra être prise : libérer le patron de Telegram ou bien le mettre en examen, ce qui prolongerait alors sa détention par les autorités françaises.