Le Wall Street Journal révèle que lors d’un déjeuner qui n’avait jusqu’alors jamais été rendu public, Emmanuel Macron avait invité Pavel Durov, en 2018, à déménager Telegram à Paris. La messagerie venait, l’année précédente, d’installer son siège social à Dubaï, capitale de l’un des sept Émirats arabes unis et Durov en a également fait son principal lieu de résidence. Il a donc refusé l’offre du président français.
Les sources du WSJ révèlent aussi et surtout que, cette même année 2017, une opération conjointe entre les services de renseignement français et des Émirats arabes unis (nom de code « Purple Music ») leur avaient permis de pirater l’iPhone de Pavel Durov :
« Les responsables français de la sécurité étaient très préoccupés par l’utilisation de Telegram par l’État islamique pour recruter des agents et planifier des attaques. Les gouvernements ont ciblé M. Durov en raison des groupes attirés par son application, qui vont des manifestants pro-démocratie et des dissidents aux militants islamistes, aux trafiquants de drogue et aux cybercriminels. »
Un ancien responsable du renseignement français de la DGSI a précisé au WSJ que la compromission de Telegram avait été « un effort à long terme des services d’espionnage du pays ».
Or, la France et les Émirats arabes unis ont depuis accordé, tous deux en 2021, la citoyenneté à Pavel Durov, et le pays du Golfe a aussi investi plus de 75 millions de dollars dans sa plateforme cette année-là.
Durov, qui a aussi obtenu la nationalité de Saint-Kitts-et-Nevis, une île des Caraïbes qui l’offre à ceux qui peuvent la payer, s’était en outre installé, ainsi que le siège social de Telegram, à Dubaï, la capitale des Émirats arabes unis.
Les appels vocaux de Telegram, comme ceux de la plupart des applications d’appel sur Internet, sont pourtant bloqués aux Émirats arabes unis, où les libertés politiques sont « fortement réduites, et qui considèrent les appels chiffrés comme un risque pour la sécurité », souligne le WSJ.
Une personne proche de Durov explique par ailleurs au quotidien états-unien que pendant des années, Telegram avait ignoré les citations à comparaître et les ordonnances judiciaires qui lui étaient adressées, et qui « s’accumulaient dans une boîte aux lettres électronique rarement vérifiée ».
Telegram affirme depuis qu’elle se conforme désormais au Digital Services Act européen, qui exige que les sociétés en ligne coopèrent avec les autorités pour lutter contre la diffusion de contenus illégaux sur leurs plates-formes.
Durov, qui s’est également rendu plusieurs fois aux États-Unis, avait expliqué à l’ancien animateur de Fox News Tucker Carlson qu’il y était toujours accueilli par des agents du FBI, qui tentaient d’obtenir sa coopération : « j’ai cru comprendre qu’ils voulaient établir une relation pour, d’une certaine manière, mieux contrôler Telegram », avait-il précisé.