Gemmes ton argent !
L’association française de défense des consommateurs a annoncé avoir saisi la Commission européenne et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contre la présence et l’usage de monnaies virtuelles dans des jeux vidéos comme Diablo IV, Fortnite ou encore Minecraft.
Nombre de jeux vidéo ont incorporé des monnaies virtuelles qui servent à acheter des objets virtuels (armes, outils, vêtements…) au cours d’une partie. l’UFC-Que Choisir affirme même que 81 % des 31 jeux les plus populaires sur Android en 2023 recourent à ces « monnaies » (soit 25 d’entre eux).
Mais l’association pointe, dans un communiqué publié ce jeudi 12 septembre sur son site (qui utilise un dark pattern dans sa bannière de cookies), le fait que « avant tout achat, le consommateur est contraint de convertir ses euros en monnaie spécifique du jeu ». Elle déplore que, « par l’emploi de telles monnaies virtuelles et en l’absence de tout affichage du prix en euros des objets virtuels proposés, les éditeurs de jeux vidéo dissimulent leur véritable coût et trompent ainsi les consommateurs dans un but bien précis : leur faire oublier que l’argent qu’ils dépensent est bien réel ».
Une conversion en euros impossible
Au-delà de cette virtualisation de l’argent, l’UFC-Que Choisir dénonce le fait qu’il est « souvent impossible […] de calculer précisément combien [une] dépense en monnaie virtuelle |…] a véritablement coûté in fine, car ces monnaies ne sont proposées qu’en pack et le taux de change varie généralement selon la formule choisie ».
L’association rappelle qu’ « il est de droit que les consommateurs connaissent, et ce de façon intelligible et non-équivoque, le prix et le mode de calcul de celui-ci ».
Pourtant, dans un jeu comme Clash of Clans, 6 packs de « gemmes » existent « allant de 80 gemmes pour 1,19 € jusqu’à 14 000 gemmes pour 119,99 € ». « Le prix pour 10 gemmes varie donc entre 9 et 15 centimes », résume l’UFC-Que Choisir.
Elle annonce donc la saisie, avec l’association Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) et ses homologues européens du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), de la Commission européenne ainsi que du réseau des autorités de protection des consommateurs (dont la DGCCRF fait partie) à propos de sept jeux bien connus chacun publié par un éditeur différent :
Diablo IV d’Activision Blizzard, EA Sports FC 24 d’Electronic Arts, Fortnite d’Epic Games, Minecraft de Mojang Studios, Roblox de Roblox Corporation, Clash of Clans de Supercell et Tom Clancy’s Rainbow Six Siege d’Ubisoft.
Une obligation de dépenser un pack de monnaie entier
Ces associations européennes pointent aussi le fait que dans ces jeux, on ne peut acheter des objets qu’en dépensant tout un pack de monnaie virtuelle, ce qui entraine un « surcoût » caché. « De telles pratiques altèrent de manière significative la liberté de choix des consommateurs », s’insurge Que Choisir.
L’association tempère le terme de surcoût en expliquant que, « bien sûr, la somme restante de monnaie virtuelle ne sera pas perdue, mais elle sera souvent insuffisante pour acheter tout nouvel objet. Il faudra donc recharger le portefeuille de monnaie virtuelle, pouvant ainsi créer un véritable cercle vicieux ».
Les associations ont relevé ce genre de « surcoûts » dans les 7 jeux vidéo incriminés, recensés dans le tableau ci-dessous. Elles soulignent que pour s’offrir une carapace de héros dans Fortnite, il faut acheter un pack de 1000 V-bucks, alors que le prix unitaire de l’objet est de 400 V-bucks. Un surcoût qui se monte donc à 150 % !
« Plus largement, nos associations demandent au Législateur l’interdiction de toutes formes de monnaies virtuelles payantes qui dévoient, à dessein, le caractère ludique des jeux vidéo », conclut l’UFC.
Rappelons que l’UFC-Que Choisir surveille depuis longtemps les diverses manœuvres dans les jeux. En 2017, l’association dénonçait déjà les loot boxes, ces coffres virtuels contenant une sélection a priori aléatoire d’objets. Elle a aussi obtenu, en 2019, une décision de justice consacrant la vente d’occasion des jeux dématérialisés.