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Une enquête du Washington Post révèle comment le Mossad préparait depuis neuf ans l’infiltration des moyens de communication utilisés par le Hezbollah. Elle lève également le voile sur certains détails de l’attaque du 17 septembre dernier, qui a entrainé l’explosion simultanée de quelque 3 000 bipeurs utilisés par les membres du mouvement chiite, après réception d’un message incitant à tenir l’appareil à deux mains.
La question s’est posée dès les premières heures qui ont suivi l’explosion simultanée, au Liban, de milliers de bipeurs utilisés par le Hezbollah : comment Israël, attaquant présumé, a-t-il réussi à mettre sur pied une opération coordonnée à aussi grande échelle ?
Très vite, les spéculations sont allées bon train, avec un constat globalement unanime : l’attaque n’aurait pas été possible sans une modification matérielle des appareils en question. Trois semaines après les faits, le Washington Post est revenu dans son édition du 5 octobre sur la façon dont le Mossad a orchestré, de longue date, l’infiltration des moyens de communication du Hezbollah à l’aide de chevaux de Troie explosifs.
Des talkies-walkies piégés depuis 2015
D’après le quotidien américain, qui appuie son enquête sur le témoignages de sources américaines, arabes, israéliennes et libanaises, c’est en 2015 que l’idée aurait initialement pris corps. C’est en effet à cette époque que le Mossad aurait commencé à faire parvenir au Hezbollah, par des voies non précisées, des talkies-walkies piégés. Les appareils étaient alors équipés d’un pack de batterie surdimensionné intégrant un explosif caché, ainsi que d’un système de transmission dissimulé grâce auquel Israël aurait pu, pendant neuf ans, espionner une partie des conversations des membres du Hezbollah. « Pendant neuf ans, les Israéliens se sont contentés d’écouter », résume le Washington Post.
En 2022, Israël détecte une nouvelle opportunité. Le Mossad apprend que le Hezbollah craint ses capacités de surveillance, et cherche à renforcer ses alternatives au téléphone mobile. Les services secrets israéliens imaginent alors de distribuer, ou plutôt faire distribuer, des bipeurs piégés aux membres du Hezbollah. Et l’enquête du Washington Post confirme l’hypothèse émise dès le 18 septembre par certains observateurs : le Mossad aurait bien réussi à faire acheter au Hezbollah un lot de bipeurs d’origine taïwanaise, référence AR924, par l’intermédiaire d’une société de conseil hongroise.
Des bipeurs assemblés par le Mossad
Le quotidien américain va cependant plus loin. D’après ses sources, c’est en Israël et sous la supervision directe du Mossad que ces bipeurs auraient été piégés. Les services secrets israéliens auraient, pour ce faire, conçu une bombe cachée directement à l’intérieur du module batterie du bipeur, avec un niveau de dissimulation suffisant pour résister à un démontage ou à un passage aux rayons X.
Le Mossad aurait dans le même temps réussi à intégrer à ces bipeurs un circuit électronique dédié au déclenchement de l’explosif, à distance… ou au moyen d’une commande particulière. « Pour garantir un maximum de dégâts, l’explosion pouvait aussi être déclenchée par une procédure spéciale en deux étapes, nécessaire pour afficher des messages sécurisés chiffrés. « Il fallait appuyer sur deux boutons pour lire le message », a expliqué un responsable. En pratique, cela voulait dire utiliser les deux mains », décrit le Washington Post. Une subtilité imaginée pour handicaper lourdement les combattants ennemis.
Reste une question : pourquoi, après neuf ans de patience, l’état hébreu aurait-il décidé de passer à l’action le 17 septembre ? D’après le Post, les modalités opérationnelles de l’attaque auraient été discutées à partir du 12 septembre, à la demande du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, dans les plus hauts cercles du pouvoir. « Certains, dont de hauts responsables des Forces de défense israéliennes, ont mis en garde contre le risque d’une escalade de la violence avec le Hezbollah, alors même que les soldats israéliens poursuivaient leurs opérations contre le Hamas à Gaza. Mais d’autres, en particulier le Mossad, y ont vu une occasion de perturber le statu quo avec « quelque chose de plus intense » », écrit le Washington Post.
L’attaque a finalement été lancée le 17 septembre. Elle se serait faite en deux temps. D’abord, l’envoi d’une alerte signalant la réception d’un message chiffré, pour pousser les utilisateurs à presser les deux boutons de leur bipeur. Puis une détonation déclenchée à distance pour tous les autres.