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Quinze mois après sa garde à vue de 39 heures et la perquisition de son domicile par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la journaliste Ariane Lavrilleux de l’ONG Disclose est convoquée, vendredi 17 janvier 2025, en vue d’une possible mise en examen pour « appropriation et divulgation d’un secret de la défense nationale ».
Elle avait contribué, avec trois autres journalistes, à révéler en 2021 qu’une opération militaire secrète menée par la France en Égypte, baptisée « opération Sirli », avait « conduit à l’exécution arbitraire de centaines de civils égyptiens, le tout sur fond de vente d’armes ». La journaliste encourt une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende :
« Depuis 2018, année de la création de Disclose, quatre de nos journalistes ont été intimidés par les services de renseignement intérieur. Un triste record qui fait de notre rédaction à but non lucratif le média français le plus attaqué par la DGSI. Par ces procédures, les services de renseignement intérieur français ont systématiquement cherché à identifier les sources qui ont fourni à Disclose des informations d’intérêt général. Les enquêtes « Made in France« , en 2019, puis « Egypt Papers« , en 2021, ont mis en lumière les ventes d’armes de la France à des régimes autoritaires, qui les ont ensuite retournées contre des civils, au Yémen, en Égypte et en Libye. »
Disclose déplore en outre l’utilisation de moyens d’investigation « hors norme » contre la journaliste, ainsi que de « méthodes de surveillance ultra-intrusives visant à espionner ses faits et gestes ».
L’ONG a en effet découvert dans le dossier judiciaire que la journaliste avait fait l’objet de surveillances physiques lors de déplacements professionnels et privés, que son téléphone portable avait été géolocalisé en temps réel, ses comptes bancaires épluchés, « tout comme ses achats de billets SNCF ou ses communications privées sur le réseau social X », ainsi que tous ses déplacements en train sur une période de trois ans :
« En France, une journaliste peut être suivie par des policiers en civil à la sortie de son travail ou lors d’un week-end en Provence. Elle peut voir son téléphone portable espionné en direct, pendant des semaines. Elle peut même être prise en photo dans la rue ou pendant qu’elle fait ses courses au supermarché. »
Les enquêteurs de la DGSI ont aussi rédigé une note sur son « usage des réseaux de communication cryptée », sans pour autant préciser comment ils ont obtenu ces informations. Ils y précisent qu’ « Ariane Lavrilleux utilise WhatsApp configuré avec effacement des messages au bout de 90 jours, elle utilise également Telegram et Signal. »
Un commissaire de la DGSI a également déclenché la géolocalisation de son smartphone, de sorte que l’ensemble de ses déplacements ont été suivis en temps réel et enregistrés pendant un mois. Motif invoqué, selon la procédure : « Déterminer ses habitudes de vie ainsi que d’éventuels lieux de résidence pour faciliter son interpellation ».