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Le directeur pédagogique d’une école de journalisme génère ses articles par IA

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« Mais tu écris n'importe quoi, en fait »
Le directeur pédagogique d’une école de journalisme génère ses articles par IA

Interrogé par Arrêt sur images, à qui nous avions transmis notre enquête à son sujet, le patron du groupe de presse Économie Matin reconnaît que ses articles sont bien générés par IA, contrairement à ce que son rédacteur en chef adjoint prétendait initialement. Ce dernier, par ailleurs « prompt engineer » du groupe, attribue de son côté les dizaines de plagiats que nous avons en outre identifiés à un « bug du script » envoyé à ChatGPT qui, « étant complètement idiot, parfois, ne fait pas ce qu’on lui dit ».

Plus des 2/3 des (soi-disant) 1 500 sites d’informations générés par des IA (GenAI) que nous avons identifiés dans le cadre de notre enquête ont été créés par des professionnels du marketing numérique et du SEO (pour Search Engine Optimization).

Si quelques-uns cherchent à se présenter comme émanant de groupes de presse, seuls 10 de ces sites sont édités par une entreprise reconnue « d’intérêt politique et général » (IPG) par la Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP), ce qui ouvre droit à un taux réduit de TVA à 2,1 %, une exonération de taxe professionnelle et des tarifs postaux préférentiels : Économie Matin.

Le site, qui figurait à la 284ᵉ place du classement SimilarWeb des sites web d’information (catégorie presse et médias) les plus consultés en France, en janvier, et qui se présente comme « le leader des pureplayers économiques français », est cela dit considéré comme « n’étant pas fiable » par L’Observatoire des sources de Wikipédia, parce qu’ « épinglé pour avoir relayé des infox et publié des publicités déguisées ».

En 2022, une enquête d’Arrêt sur Images avait en effet identifié Economie Matin et son fondateur Jean-Baptiste Giraud comme faisant partie des médias et journalistes ayant contribué à diffuser des articles de désinformation en faveur de clients ou à l’encontre de concurrents de l’ « agence de communication » Avisa Partners (qui avait de son côté attaqué Next INpact en Justice suite à ces révélations, avant de les abandonner – Next a depuis fait appel). Ce pourquoi nous leur avons partagé notre enquête, n’hésitez pas à aller consultez la leur : « Chez « Economie Matin », l’IA est déjà partout ».

Codirecteur pédagogique d’une école de journalisme d’extrême-droite

Également chroniqueur à CNews, Jean-Baptiste Giraud est aussi le cofondateur et codirecteur pédagogique de l’Institut libre de journalisme (ILdJ), proche des réseaux des milliardaires d’extrême-droite Vincent Bolloré et Pierre-Edouard Stérin.

Cette école privée, qui « prépare la relève à droite » d’après Valeurs Actuelles, « pépinière pour libéraux conservateurs et catholiques identitaires » selon La Vie, est par ailleurs hébergée « par le très droitier Institut de formation politique » (IFP) relevait Arrêt sur images, et « créée par la droite identitaire pour conquérir les médias », soulignait une enquête du Monde.

« Plus de 80 % des intervenants y assument ouvertement un discours de droite, ou d’extrême-droite », relevait Le Monde. Si la majeure partie des offres d’emploi qui leur sont proposés émanent du Figaro, les médias possédés par le milliardaire conservateur Vincent Bolloré, dont CNews et le JDD, représenteraient « le premier filon de recrutement » de ses étudiants.

Sa « formation aux techniques du journalisme », initialement répartie en « 6 week-ends » seulement, ne dure accessoirement que 150 heures, désormais étalées sur 10 week-ends, « soit 10 fois moins que dans la plupart des écoles reconnues par la profession, où la formation s’étale généralement sur toute la semaine, pendant deux années », précisait Le Monde.

Ce qui en ferait une formation « low-cost » d’un point de vue pédagogique, mais fort onéreuse comparée aux autres écoles privées : la formation y coûte en effet « 1 250 € les 10 week-ends », contre 7 000 à 8 000 euros par an en moyenne pour les autres écoles privées de journalisme.

La Lettre révélait par ailleurs, en décembre dernier, que Jean-Baptiste Giraud briguait en outre une investiture comme candidat estampillé Rassemblement National (RN) dans le Perche, après y avoir adhéré suite à la dissolution du Parlement en 2024.

Des articles amputés par une énigmatique balise « « `html »

La page de présentation de Jean-Baptiste Giraud, sur le site d’Economie Matin, rappelle que le titre de presse fut initialement un hebdomadaire papier, lancé en 2004, relancé comme pure-player sur Internet en 2012. Le journaliste renvoie étrangement à son profil Google+. Un réseau social qui n’existe plus depuis avril 2019, alors qu’il est pourtant et par ailleurs actif sur X.com depuis 2010 (sous le pseudonyme @mediatrainingfr, passé en privé).

Tout aussi étrangement, Jean-Baptiste Giraud n’écrit quasiment que sur les prix du fioul domestique, du gaz, du carburant et les résultats du Loto. Et ce, tous les jours (fériés compris). Il a plus précisément pour « morning routines » de publier ses articles sur le prix du carburant en France (à 3h31 pétantes), du fioul domestique (à 5h30) et du gaz (à 10h03), ainsi que, tous les soirs, ses articles sur les résultats du loto ou d’Euromillions (à 20h10), systématiquement illustrés par les mêmes images.

Ses articles sur les prix des carburants finissent tous, là aussi étrangement, par un paragraphe intitulé « Conclusion » (ce que ne font jamais les journalistes : un article n’est pas une rédaction scolaire ou universitaire), systématiquement amputée, empêchant ses lecteurs de pouvoir la lire. Elles sont, au surplus, clôturées par une énigmatique balise « « `html ».

Il pourrait s’agir d’un simple bug technique. Mais ses articles sont aussi truffés de listes à puces et de tableaux, l’un des marqueurs caractéristiques des tactiques, techniques et procédures (TTP) des articles GenAI, tout comme le fait de les conclure par un paragraphe intitulé « Conclusion ».

« 0 joueurs ont remporté 0 euros, soit un total de 0 euros »

Un recours généralisé à l’IA que semblent confirmer ses articles sur les résultats du loto et/ou d’EuroMillions, qu’il publie souvent à 20h10 tapantes, et qui révèlent en outre que Jean-Baptiste Giraud ne relit probablement pas les articles qu’il signe pourtant de son nom.

Les 9 mars, 21 août et 23 novembre, le journaliste écrivait par exemple que « Lors du dernier tirage loto en date, 0 joueurs ont remporté 0 euros, soit un total de 0 euros. De même, 0 joueurs ont touché 0 euros ce qui représente tout de même 0 euros ». Une formulation pour le moins étonnante, qu’il a pourtant publié au moins 10 autres fois.


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