« Nous, les humains, perdons la foi en nous-mêmes »

Une vague d’images générées par IA au style très proches de celui de Hayao Miyazaki, ayant pourtant clairement exprimé son aversion pour l’intelligence artificielle dans la création artistique, a déferlé sur les réseaux sociaux ces derniers jours. En cause, la sortie du modèle 4o Image Generation d’OpenAI qui permet de créer facilement ce genre d’images. Le CEO de l’entreprise Sam Altman en joue sur les réseaux sociaux et s’enorgueillit d’avoir bien choisi les exemples initiaux pour présenter le modèle.
OpenAI a mis un coup de fouet à sa génération d’images en rendant GPT-4o multimodal. Celui-ci peut donc créer des images à la volée, comme beaucoup de ceux de ses concurrents, dont Grok qui est très utilisé pour ça, puisqu’il n’a aucun garde-fou.
Des mèmes et des scènes de films en anime
Pour lancer la promo et l’utilisation massive de son nouveau générateur, le CEO d’OpenAI, Sam Altman a, entre autres, twitté une image au style manga le représentant, posant avec deux de ses collègues comme des start-upeurs heureux de présenter leur nouveau projet :

On peut remarquer que la main de Gabriel Goh, au centre de l’image, est composée de quatre doigts seulement et celle de Sam Altman de six.
Depuis, de nombreuses personnes ont essayé la nouvelle fonctionnalité du modèle, devenu le générateur d’image par défaut dans ChatGPT pour les utilisateurs gratuits. Ils ont notamment essaimé les réseaux sociaux d’innombrables images dans le style du Studio Ghibli et de son co-créateur Hayao Miyazaki. Certains reproduisant des mèmes, d’autres des scènes iconiques de la culture populaire :


Storytelling bien ficelé
Surfant sur cette vague, le CEO d’OpenAI a repris la balle au bond. Il a rajouté une couche de storytelling en se peignant, dans un tweet, en ingénieur incompris qui, depuis une décennie, essaye « d’aider à créer une superintelligence pour guérir le cancer ou ce genre de chose » dont presque personne se soucie pendant des années puis qui est détesté par tout le monde « pour n’importe quoi », et qui se réveille un jour avec des centaines de messages lui montrant ce genre d’images utilisant le style du studio d’animation. L’homme d’affaires a même généré son propre avatar dans le style de Ghibli.
Miyazaki, connu pour son opposition à l’utilisation de l’IA dans l’animation
Si Sam Altman est autant fan du Studio Ghibli, il doit connaitre l’extrait du documentaire dans lequel Hayao Miyazaki exprime son opposition à l’utilisation d’une IA (non générative) pour faire de l’animation de modèles en 3D :
Le réalisateur s’exprimait sur les résultats d’une expérimentation particulière qui lui était montrée en la qualifiant d’ « insulte à la vie elle-même », mais il en concluait néanmoins de façon plus générale : « J’ai l’impression que nous approchons de la fin des temps. Nous, les humains, perdons la foi en nous-mêmes ». Le studio et le réalisateur n’ont, semble-t-il, pas encore réagi à cette vague de reproduction de leur style.
OpenAI assume ouvrir les vannes de la reproduction des styles de studio
À la réaction d’un utilisateur de X affirmant « honnêtement, openai est incroyablement chanceux que les vibrations positives de ghibli aient été la première utilisation virale de leur modèle et non une horrible absurdité deepfake », Sam Altman a laissé entendre que son entreprise maitrisait très bien la communication autour de cette vague de générations d’images reprenant le style du Studio Ghibli :
« Croyez-le ou non, nous réfléchissons beaucoup aux premiers exemples que nous montrons lorsque nous introduisons une nouvelle technologie ».
« Notre objectif est de donner aux utilisateurs autant de liberté créative que possible », a répondu OpenAI interrogé par 404 Media, ajoutant « Nous continuons à empêcher les générations dans le style des artistes vivants, mais nous autorisons des styles de studio plus larges que les gens ont utilisés pour générer et partager des créations originales de fans vraiment délicieuses et inspirées. Nous apprenons toujours de l’utilisation réelle et des commentaires, et nous continuerons à affiner nos politiques au fur et à mesure ». Et, en effet, les générations qui circulent ne mentionnent pas d’auteur mais bien le « style Ghibli ».
Rappelons qu’OpenAI n’en est pas à son premier coup concernant la reproduction de contenus de la culture populaire sans le consentement des artistes pour faire la promotion de son modèle GPT4-o : en mai 2024, l’entreprise avait utilisé une voix proche de celle de Scarlett Johansson qui avait interprété la voix de l’IA dans le film « Her ».
D’autres outils d’IA générative génèrent aussi des images d’œuvres protégées. En janvier 2024, Midjourney recrachait, entre autres, des images Pixar et parfois même sans qu’on le lui demande. L’artiste C215 expliquait que la copie, l’imitation, le plagiat, « c’est un débat vieux comme l’antiquité, dans le monde artistique ».
L’avocat Matthieu Quiniou affirmait : « si, en sortie, le résultat est reconnaissable, quand on fait « à la manière de » sans avoir demandé les droits à l’auteur, on produit de la contrefaçon ».