Sacré uppercut !

Apple vient de se prendre de plein fouet une décision de justice salée aux États-Unis. Elle est accusée de ne pas respecter une injonction de la Cour et d’avoir menti sous serment via l’un de ses vice-présidents. C’est un séisme pour les commissions engendrées par Apple via sa boutique iOS.
Sur X, Tim Sweeney (fondateur et CEO d’Epic) se fait l’écho d’une récente et importante décision rendue par la juge Yvonne Gonzalez Rogers. Il faut dire qu’Apple en prend pour son grade. L’histoire remonte à 2021, lors d’un précédent verdict de cette même juge.
Elle concluait qu’Apple n’avait pas de position de monopole illégale avec sa boutique d’applications, ce qui était une victoire importante pour la firme à la pomme. Néanmoins, elle ordonnait aussi à Apple de supprimer ses règles « interdisant aux développeurs d’informer les utilisateurs des alternatives au système d’achat intégré d’Apple ». Victoire pour Epic cette fois.
Une « insubordination » pour la justice
Yvonne Gonzalez Rogers revient à la charge sur cette affaire, affirmant sans détour qu’Apple n’a pas respecté le jugement de 2021. La juge tape fort du poing sur la table et ne mâche pas ses mots :
« Apple a délibérément choisi de ne pas se conformer à l’injonction de la Cour. Elle l’a fait avec la ferme intention de créer de nouvelles barrières anticoncurrentielles qui préserveraient une source de revenus précieuse, mais précédemment jugée anticoncurrentielle.
Croire que la Cour tolérerait une telle insubordination était une grave erreur. Comme toujours, la dissimulation a aggravé la situation. Pour la Cour, il n’y a pas de seconde chance ».
Un mensonge sous serment
Dans le détail de la décision de 80 pages (.pdf), les explications sont « croustillantes ». Voici quelques exemples : « Le tribunal a jugé que la commission de 30 % d’Apple […] n’était pas liée à la valeur de sa propriété intellectuelle, ce qui la rendait anticoncurrentielle. La réponse d’Apple : facturer 27 % commission […] sur les achats hors application où elle ne facturait rien auparavant ».
- Apple autorise les achats externes depuis l’App Store aux États-Unis, avec des conditions drastiques
« Contrairement au témoignage initial d’Apple devant le tribunal, des documents commerciaux révèlent que la société savait pertinemment ce qu’elle faisait et a choisi à chaque fois l’option la plus anticoncurrentielle. Pour dissimuler la vérité, le vice-président des finances, Alex Roman, a carrément menti sous serment ». Ambiance…
Une injonction, pas une négociation
Le tribunal se montre ferme : « Il s’agit d’une injonction, pas d’une négociation ». La réponse d’Apple est arrivée rapidement chez nos confrères de MacRumors : « Nous sommes en profond désaccord avec cette décision. Nous nous conformerons à l’ordonnance du tribunal et ferons appel ».
Quoi qu’il en soit, le Tribunal « INTERDIT DE MANIÈRE PERMANENTE [en majuscule dans le texte, ndlr] à Apple, ses dirigeants, agents, préposés, employés et à toute personne » travaillant avec Apple de mettre en place certaines restrictions :
- imposer une commission ou des frais sur les achats effectués en dehors d’une application ;
- imposer un style, un format ou un emplacement pour les liens concernant des achats ;
- interdire ou limiter l’utilisation de boutons, ou bien en conditionner le format ;
- exclure certaines catégories d’applications et de développeurs ;
- imposer autre chose qu’un message neutre (pas de message de « prévention » anxiogène) ;
- empêcher l’utilisation de liens dynamiques vers une page produit.
« Les vannes sont ouvertes »
Quoi qu’il en soit, Tim Sweeney ne cache pas sa joie : « AUCUN FRAIS sur les transactions en ligne. Finie la taxe Apple. Les frais indésirables de 15 à 30 % d’Apple sont désormais abolis aussi bien aux États-Unis, qu’en Europe en vertu du Digital Markets Act. Illégal ici, illégal là-bas. ».
Comme le rapporte le développeur iOS et CEO de Flighty (application de suivi de vols) Ryan Jones sur X, Apple a rapidement modifié ses règles sur l’App Store pour se conformer à la décision de justice, en permettant notamment aux applications « d’encourager l’utilisation de méthodes de paiement alternatives ». « Les vannes sont ouvertes », ajoute-t-il.
Apple just edited the App Store rules, to comply.
— Ryan Jones (@rjonesy) May 2, 2025
– apps can link out
– apps can encourage use of alternate payment methods
That’s it. The floodgates are open. pic.twitter.com/54HRPIvcjq
Spotify, Stripe, Epic : la « ruée vers l’or » commence
Sans attendre, Spotify s’est rué dans la brèche avec l’annonce d’une mise à jour de son application iOS avec les nouvelles règles, « au profit des consommateurs américains ». Stripe aussi y va de son annonce avec un guide pour expliquer comment « accepter des paiements avec Stripe en dehors de votre application, sans commission de l’App Store sur iOS ».
Du côté d’Epic Games, l’entreprise annonce du changement à partir de juin. Il est question de 0 % de frais pour le premier million de dollars de revenus par an et par application. Par la suite, Epic Games Store prendra 12 %.
Il est aussi question d’une « nouvelle fonctionnalité permettant aux développeurs de lancer leurs propres boutiques en ligne hébergées par l’Epic Games Store » – baptisée Webshops –, avec évidemment la possibilité d’effectuer des achats hors application.
Epic fait une proposition à Apple
Tim Sweeney annonce aussi le retour de Fortnite sur l’App Store américain dès la semaine prochaine. Il en profite pour lancer une perche à Apple : « si Apple étend la décision du tribunal dans le monde entier, nous proposerons Fortnite sur l’App Store dans le monde entier et abandonneront les litiges actuels et futurs sur le sujet ».
Comme le rappelle l’éditeur sur son site, « Dans l’Union européenne, les joueurs peuvent télécharger Fortnite sur iPhone/iPad ou jouer grâce au jeu sur le cloud ».
Pour rappel, les deux parties avaient fait appel à la Cour suprême des États-Unis, qui avait finalement botté en touche en refusant d’intervenir, sans plus d’explications.