À chaque Go consommé, un chaton meurt
Elle fait parler cette tribune de Najat Vallaud-Belkacem. Elle commençait pourtant bien, avant de basculer dans une radicalité qui, si elle a le mérite de faire réagir, masque nombre de nuances et d’interrogations qui ont toute leur place dans le débat. Mais de quoi parle-t-on ? Du temps passé devant nos écrans bien sûr, et avec lui la cohorte de sujets liés.
La tribune en question, c’est celle de Najat Vallaud-Belkacem dans le Figaro. L’ancienne ministre de l’Éducation nationale y indique qu’elle a un problème, que vous avez un problème, que nous avons tous un problème.
« Celui-ci est à la fois évident […] et en même temps nous avons tendance à ne pas le voir. Il est envahissant, et en même temps nous le chérissons. Nous le subissons, mais refusons qu’on le résolve. Ce problème, c’est celui de nos rapports aux écrans, et, plus concrètement, à Internet », écrit-elle.
Elle explique ressentir ce problème, succombant par exemple au dernier coup d’œil aux réseaux sociaux le soir avant de dormir, « et à me retrouver, deux heures plus tard, à commenter, à m’indigner, à sourire et à m’amuser aussi ».
Mais plus que ça, l’ancienne ministre ressent Internet comme un facteur aggravant, quel que soit le sujet : « écologie, discrimination, inégalités, harcèlement, éducation, savoirs et cultures ». Le net n’est, selon elle, jamais une solution. « Ravages causés par la surexposition », toxicité des réseaux sociaux (phénomène amplifié « pour les jeunes filles »), travaux du Sénat sur les méfaits de la pornographie en ligne, IA, démocratisation des deep fakes, tout y passe.
Najat Vallaud-Belkacem s’interroge : « avons-nous besoin de tant d’Internet que ça ? ».
En passer par la loi
Il y avait un boulevard pour lancer une réflexion plus vaste. Ce texte était une opportunité pour faire à nouveau réfléchir à nos usages. Mais cette partie légèrement introspective s’arrête vite pour laisser place à un constat sec : puisque nous sommes incapables de nous contrôler, la contrainte doit venir de l’extérieur, « donc de la loi, donc de l’État ».
Elle souhaite qu’une réflexion débute sur la manière dont on pourrait rationner Internet. L’exemple est tout trouvé : « en accordant un nombre limité de gigas à utiliser quotidiennement ». Les bénéfices seraient légion : « en termes de développement cognitif, pour la santé, mais aussi pour lutter contre les discriminations, le harcèlement, le réchauffement climatique et bien d’autres enjeux absolument fondamentaux pour aujourd’hui ».
Najat Vallaud-Belkacem reconnait que ce n’est pas une solution miracle. Elle inviterait néanmoins « à une certaine sagesse ». Jusqu’à cette phrase, par laquelle la tribune a été résumée depuis son apparition il y a quelques jours : « Si nous savons que nous n’avons que trois gigas à utiliser sur une semaine, nous n’allons sans doute pas les passer à mettre des commentaires haineux ou fabriquer des fakes ».
L’ancienne ministre s’attendait bien sûr à de nombreuses accusations : « irréaliste ! réactionnaire ! DICTATORIAL – après tout la Chine le fait ! Vous imaginez ? La Chine ! ». Pour autant, les prévoir ne revient pas à les désarmer, ni à s’en dédouaner.
L’occasion manquée
Disons-le, cette tribune est une occasion manquée. Un gâchis. Qu’une ancienne ministre prenne la plume pour évoquer le temps d’écran, la consommation d’Internet ou encore la toxicité des réseaux sociaux aurait pu être un formidable rendez-vous.