Le recyclage comme arme de captation

Le très attendu texte sur l’approvisionnement en matières premières critiques a été voté mardi au Parlement européen. Il s’agit d’un premier train de mesures pour assurer à la fois la souveraineté de l’Europe, mais aussi et surtout les ambitions du Vieux continent en matière d’environnement.
Les députés européens ont voté mardi le Critical Raw Materials Act (CRMA), en préparation depuis longtemps et qui était pour le moins attendu. Le texte ayant recueilli un large consensus, le résultat était sans appel : 549 voix pour, 43 contre et 24 abstentions. Cette version définitive doit encore être approuvée par le Conseil, avant d’être publiée au journal officiel.
Le CRMA est intimement lié aux objectifs climatiques de l’Europe pour les horizons 2030 et 2050. Ces matières critiques (CRM) jouent en effet un rôle crucial dans la transformation actuelle. Or, dans l’immense majorité, ils ne sont ni extraits ni raffinés en Europe, rendant ses membres fortement dépendants de certains pays.
Aujourd’hui, l’Europe présente à elle seule 27 % de la demande en CRM : bismuth, bore, cobalt, cuivre, gallium, germanium, lithium, magnésium, manganèse, graphite, nickel, platine, terres rares, silicium, titane ou encore tungstène sont autant de matières aussi critiques que stratégiques.
Selon la Banque mondiale, les besoins en CRM devraient exploser : +500 % d’ici 2050 dans le monde. À la seule échelle de l’Europe, la demande en terres rares devrait être multipliée par 6 ou 7, celle en Galium par 17, celle en lithium par 89.
Parmi les chiffres clés du texte adopté par le Parlement, on trouve les fameux 10 % de la consommation annuelle devant être couverts d’ici 2030 par l’extraction au sein des pays membres de l’Union. Et si le chiffre parait encore bien faible, il représente une forte augmentation, car il n’est actuellement que de 3 %. Ce qui signifie qu’en moins de sept ans, il faudra avoir ouvert les mines idoines. Il suffit d’observer ce qui se passe actuellement au Portugal pour comprendre toute la complexité du problème.
Autres objectifs majeurs, 40 % de la transformation de ces matières critiques doivent être réalisées au sein de l’Union, 25 % de l’ensemble doivent être recyclés et – « surtout » pourrait-on dire – l’approvisionnement d’une matière ne peut pas se faire à plus de 65 % depuis un seul pays. Même sur les 40 %, tout est loin d’être joué : sur les 24 matières premières référencées par le texte, 21 n’atteignent pas cet objectif.
Les ambitions pour 2030 sont donc conséquentes et posent les bases des deux grands axes : la souveraineté de l’Europe en matières critiques et les objectifs très ambitieux posés par les accords de Paris.
Le texte adopté est celui qui a fait consensus le mois dernier au sein du trilogue. Il reprend, dans les grandes lignes, celui qui avait été présenté par la Commission européenne en mars dernier, en rehaussant au passage certains objectifs, notamment sur le recyclage. Les défis sont cependant nombreux, tant par le calendrier serré que par les obstacles à franchir, notamment sur l’extraction.