Ne pas confondre vitesse et précipitation
Par la voix de son directeur des affaires publiques, Orange s’est dit lundi « heurté » par les déclarations du Premier ministre et par ses priorités affichées dans la remise en état des réseaux de télécommunications sur l’archipel. La passe d’armes n’est pas totalement anodine, dans la mesure où le gouvernement doit examiner les aménagements réglementaires nécessaires à la reconstruction des réseaux, ainsi qu’à son financement…
200 stations Starlink pour gérer l’urgence, puis un réseau 5G développé sous six mois, et un réseau fibre construit sous deux ans : voilà en substance les promesses formulées par le Premier ministre, François Bayrou, en matière de remise en état des réseaux télécoms à Mayotte, suite au passage du cyclone Chido. L’annonce a été formulée au cours d’un point presse plus largement consacré à la présentation du plan de reconstruction « Mayotte Debout ».
Starlink préféré aux réseaux mobiles
« Pas un mot pour les opérateurs et surtout, leurs collaborateurs sur place qui assurent le rétablissement des réseaux alors que comme tous à Mayotte, ils ont été impactés par le cyclone, et doivent aussi s’affairer à calfeutrer leur habitat, à trouver à boire et à manger », a rapidement réagi, sur X, Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques d’Orange.
Le porte-parole de l’opérateur s’insurge surtout de la volonté affichée de recourir à des stations Starlink, plutôt que de soutenir plus ouvertement les travaux de remise en état du réseau mobile, engagés par Orange (comme par ses concurrents sur l’archipel, SFR et Free, via sa marque Only, en coentreprise avec Axian) dès le lendemain du passage du cyclone.
Pas un mot pour les opérateurs et surtout, leurs collaborateurs sur place qui assurent le rétablissement des réseaux alors que comme tous à Mayotte, ils ont été impactés par le cyclone, et doivent aussi s’affairer à calfeutrer leur habitat, à trouver à boire et à manger.
— laurentino lavezzi (@l_lavezzi) December 30, 2024
En… https://t.co/I9W2QPTdtR
« Pire : au delà des mots, il y a les décisions. Ainsi, les générateurs électriques sont-ils dirigés en priorité vers les hot points wifi Starlink, tandis qu’on refuse des générateurs aux opérateurs… et ce alors qu’avec 4 générateurs électriques seulement, la couverture mobile Orange passerait de 75 à 85% de la population », écrit le porte-parole de l’opérateur.
« Ces décisions interrogent quant à leur pertinence dans la poursuite du rétablissement des réseaux ; elles interrogent sur leur rationalité économique ; et elles laissent pantois sur le terrain de la souveraineté numérique », assène-t-il encore.
Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, en charge des télécoms, a joué la carte de l’apaisement dans la soirée. « Les opérateurs télécoms sont à pied d’œuvre depuis le passage de la tempête Chido pour rétablir les communications à Mayotte », a-t-il salué sur X, avant de souligner que le gouvernement allait travailler sur les options nécessaires à l’accélération de la couverture numérique de l’archipel, en étudiant notamment « l’octroi de nouvelles fréquences, des allègements d’autorisations d’urbanismes et la construction d’un réseau fibre ».
Quelles modalités réglementaires pour la reconstruction ?
Au-delà du manque de reconnaissance, c’est sans doute dans ces aspects réglementaires que se situe l’enjeu essentiel de la sortie du porte-parole d’Orange. Ce dernier conclut d’ailleurs son message par une liste de demandes, avec un appel à simplifier les procédures d’autorisation au titre du code de l’urbanisme, alléger la charge fiscale pesant sur les stations mobiles à reconstruire, mais aussi réviser le réseau d’initiative publique (RIP), que le conseil départemental de Mayotte a choisi d’attribuer à l’opérateur réunionnais Zeop plutôt qu’à Orange.
Les grandes lignes du plan Mayotte Debout, publiées mardi matin, reprennent les promesses formulées lundi par François Bayrou, à savoir un soutien financier de 50 millions d’euros dans le cadre du plan France Très Haut Débit, la création d’une « délégation constituée d’élus sera établie pour contrôler le déploiement » et la prise en compte de deux questions qui restent en suspens : « la dérogation à la loi Littoral pour l’implantation de pylônes, et la libération des fréquences ». Deux questions cruciales sur ce territoire insulaire, dont la population se répartit entre la zone dense de la capitale, Mamoudzou, desservie par un réseau fibre, et des zones plus rurales, à l’habitat diffus, dans lesquelles les réseaux de télécommunications s’appuient principalement sur des faisceaux hertziens.
Starlink déjà employé sur l’archipel
Bien qu’Elon Musk ou Starlink n’aient pas communiqué sur la situation à Mayotte (l’homme d’affaires et l’entreprise l’ont déjà fait pour d’autres catastrophes naturelles), les stations d’accès à Internet par satellite de la filiale de SpaceX sont déjà employées sur l’île. Un représentant de SFR avait ainsi admis, le 23 décembre dernier, que l’opérateur prévoyait de faire appel à des stations Starlink pour pallier les lacunes en matière de collecte au niveau de certaines antennes mobiles. La préfecture de Mayotte a quant à elle signalé le 28 décembre que des stations Starlink avaient servi dans le rétablissement de la couverture haut débit de 13 communes, sans préciser le ou les opérateurs concernés.