
Alors que nombre d’agences fédérales américaines ont supprimé de leurs sites des pages entières pour obéir aux ordres de censure de Donald Trump, un juge américain ordonne à trois d’entre elles de rétablir les versions qui étaient en ligne le 30 janvier 2025 de plusieurs pages listées par l’association Doctors for America.
Un bras de fer commence aux États-Unis entre le gouvernement de Donald Trump et des citoyens, souvent médecins ou chercheurs, qui luttent contre la censure des sites web des agences fédérales. Un juge vient de demander la restauration de pages web des sites des agences des Department of Health and Human Services (HHS), du Center for Disease Control (CDC) et de la Food and Drug Administration (FDA), comme l’explique le New York Times.
Ces agences, comme d’autres, ont supprimé de nombreuses pages de leurs sites web pour se conformer, avec plus ou moins de zèle, au décret pris par Donald Trump contre les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Certains chercheurs et ingénieurs ont essayé de sauver les données en utilisant Internet Archive.
Les suppressions remises en cause légalement
D’autres personnes se tournent vers la voie légale. L’association Doctors for America a attaqué en justice le 4 février dernier l’Office of Personnel Management (OPM, l’agence des ressources humaines des employés fédéraux américains), le CDC, la FDA et les HHS.
La plainte [PDF] affirme que « la suppression des pages web et des jeux de données crée un dangereux trou dans les données scientifiques disponibles pour surveiller les épidémies et y répondre » et « prive les médecins de ressources qui guident leur pratique clinique et supprime des ressources essentielles pour communiquer et dialoguer avec les patients ».
Le juge saisi ordonne le rétablissement des pages citées
Avant d’examiner le cas au fond, le juge John D. Bates a ordonné [PDF] aux agences de santé de rétablir dès ce matin minuit toutes les pages citées par Doctors for America dans l’un des documents [PDF] accompagnant sa plainte.
Celui-ci ne reprend pas la liste de toutes les pages supprimées recensées par les chercheurs et ingénieurs qui se préoccupent de l’archivage. Mais on peut y trouver, par exemple, Youth Risk Behavior Surveillance System (YRBSS) que nous évoquions. Cette partie du site du CDC contient des informations sur les comportements à risque des jeunes avec une partie importante sur les LGBTQ.
Le YRBSS n’était effectivement plus accessible le 3 février dernier. Il l’est de nouveau ce 12 février et contient notamment un lien vers une base de données qui est aussi accessible ce jour. C’est le cas également pour la page « Data and Statistics » sur la santé des adolescents qui avait aussi été dépubliée. Même chose pour un PDF sur la pre-exposure prophylaxis (Prep, traitement préventif pour les personnes très exposées au VIH) qui avait été retiré du site et qui est de nouveau accessible.
Du côté de la FDA, la page sur les « Plans d’action en faveur de la diversité pour améliorer le recrutement de participants issus de populations sous-représentées dans les études cliniques » qui avait été dépubliée a, fait son retour.
Sauf erreur de notre part, l’association n’a pas cité de page des HHS. Comme indiqué plus haut, ce document ne liste pas non plus toutes les pages supprimées par les agences. Cette ordonnance juridique ne peut donc pas toutes les restaurer. Rappelons aussi que le juge John D. Bates ne s’est pas encore prononcé sur le fond et qu’il pourrait, dans un second temps, décider que les décisions de suppression de ces pages étaient légitimes.
Le gouvernement « en position de faiblesse » légalement
Interrogée par le média américain NPR, Dorit Reiss, professeure de droit à l’université de Californie, estime qu’ « il s’agit d’une décision très forte ». Selon elle, l’ordonnance explique que la suppression était « probablement incorrecte d’un point de vue juridique », car il n’y avait pas de « notification adéquate » ni « aucune explication pour cette action de grande envergure ». Selon Dorit Reiss, « cela suggère que le gouvernement est en position de faiblesse dans cette affaire ».
Les agences doivent aussi soumettre au juge avant le 13 février au soir un rapport sur les actions prises pour respecter son ordonnance.