YouTube cathodique

YouTube annonce que la télévision est devenue son premier canal de consommation aux États-Unis, devant le mobile. La filiale de Google revendique par ailleurs une position de numéro un sur le marché américain du streaming, qu’elle entend conserver et renforcer en 2025, notamment grâce à l’IA, envisagée à tous les niveaux, de la création de vidéos au contrôle automatique de l’âge des utilisateurs…
« YouTube est la nouvelle télévision », écrit Neal Mohan, CEO de YouTube, à l’occasion de son état de l’art annuel sur le développement et les enjeux stratégiques de la société. S’il se permet cette déclaration aux accents quelque peu péremptoire, c’est parce que la télévision serait devenue, aux États-Unis, le premier écran par l’intermédiaire duquel YouTube est consommé, avec plus d’un milliard d’heures de vidéos vues par jour en décembre.
YouTube numéro un de la TV aux États-Unis
La vénérable télévision aurait ainsi supplanté l’ordinateur, mais aussi et surtout le mobile, de loin considéré comme le principal pourvoyeur de contenus et services numériques dans les usages du quotidien. « Pour de plus en plus de gens, regarder la télévision signifie regarder YouTube », affirme Neal Mohan.
Il souligne que cette consommation n’est pas l’héritage des habitudes télévisuelles, mais le reflet de la diversité de l’offre YouTube dans son ensemble : « La « nouvelle » télévision ne ressemble pas à l’ « ancienne ». Elle est interactive et intègre des formats comme les Shorts (oui, les gens les regardent à la télévision), des podcasts ou des diffusions en direct, en plus des émissions sportives, des sitcoms et des talk-shows que les gens aiment déjà ».
YouTube revendique dans le même temps une place de numéro un sur la consommation de vidéos en ligne, tous écrans confondus, en s’appuyant sur les chiffres de Nielsen, l’un des grands noms de la mesure d’audience.
La part de marché de YouTube, en nombre d’heures consommée, représente selon Nielsen 11,1 % des usages TV aux États-Unis sur le mois de décembre. La filiale d’Alphabet pèserait ainsi, à elle seule, environ un quart des consommations mesurées sur l’ensemble des chaînes de TV linéaires, diffusions hertziennes et câble confondues.
Avec ses 11,1 % de parts de marché, YouTube alimenterait également un quart du temps passé devant des vidéos consommées en streaming (43,3 % de la consommation totale), loin devant ses concurrents spécialistes de la vidéo sur abonnement (SVOD) Netflix (8,5 %), Amazon via Prime Video (4 %), Hulu (2,5 %) ou Disney+ (2,1 %).

YouTube, première chaîne TV des États-Unis… et de France ?
Comparé à celui d’autres grands acteurs du streaming, le succès de YouTube doit en partie à son modèle économique, puisqu’une large majorité du catalogue est proposé en accès gratuit financé par la publicité. Ce qui n’empêche pas les formats longs ou les productions ambitieuses, comme en a témoigné, à l’automne 2024, le succès sans précédent du film Kaizen, qui raconte comment le youtubeur Inoxtag a gravi l’Everest. Publiée mi-septembre, la vidéo de 2h26 affiche aujourd’hui 41 millions de vues.
Justine Ryst, directrice générale de YouTube en France, s’était félicitée début novembre des audiences grandissantes de la plateforme. Dans un entretien à l’AFP, elle n’hésitait pas, alors, à présenter YouTube « comme la première chaîne de télévision en France », arguant d’une audience cumulée de 42,6 millions d’usagers de 15 ans et plus dans l’Hexagone au mois de mai. « La télévision, c’est aujourd’hui le deuxième écran de consommation de YouTube en France, après le téléphone mobile, expliquait-elle encore. C’est une vraie tendance qui s’installe et qui va avec l’observation du succès des formats longs, voire très longs ».
À l’époque, la comparaison entre l’audience de YouTube et celle d’une chaine de TV avait été jugée quelque peu cavalière par Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie, le grand spécialiste français de la mesure d’audience. « YouTube n’est pas une chaine de télévision, et donc encore moins « la première chaîne de télévision », et ce indépendamment du développement de ses usages que personne ne peut nier. Mais les plateformes vidéo répondent à d’autres enjeux, et ont des perspectives et des contraintes différentes », avait-il commenté.
« L’épicentre de la culture »
Il n’est pas dit que ces subtilités sémantiques comptent vraiment pour Nael Mohan, qui voit plutôt YouTube comme « l’épicentre de la culture », notamment parce que la plateforme offre une dimension internationale. Il prend l’exemple de la française Sarah Lezito, cascadeuse moto (stunt), dont 95 % du temps de visionnage est à mettre au crédit d’internautes basés hors de France.
La plateforme assume dans ce contexte de continuer à cultiver son caractère protéiforme, mêlant aussi bien vidéos courtes à dimension virale (les Shorts), que débats politiques, retransmission d’événements sportifs que créations de vidéastes, amateurs ou professionnels. Ou podcasts, puisque YouTube revendique aussi d’être, aux États-Unis, la plateforme numéro un en la matière. Selon les chiffres d’Edison Research, 31 % des auditeurs de podcasts y placeraient YouTube au premier rang de leurs usages, devant Spotify (27 %) et Apple Podcasts (15 %).
De l’IA pour les créateurs… et la détection de l’âge
Pour entretenir la flamme, YouTube place, sans trop de surprise, l’IA parmi ses priorités stratégiques de 2025. La plateforme évoque en premier lieu les outils à venir dédiés aux créateurs. Elle annonce par exemple l’intégration à venir de Veo 2, son modèle de création de contenus vidéo par IA, au sein des outils Dream Screen et Dream Track qui permettent déjà de générer soit des images de fond, soit des pistes sonores.
Outre le doublage automatique des vidéos ou le sous-titrage généré par IA, YouTube promet également la généralisation des outils de suggestion assistés par IA au sein de son Studio pour, par exemple, obtenir des propositions de miniatures ou de titres adaptées au contenu.
YouTube évoque enfin un projet, encore non présenté en détail, qui consiste à mettre à profit le machine learning pour estimer l’âge de l’internaute et moduler, en fonction, la nature des contenus ou des protections qui lui seront proposés. Un porte-parole de l’entreprise précise à Engadget que l’outil analysera par exemple les recherches effectuées par l’utilisateur, son historique ou l’ancienneté de son compte, pour déterminer son âge. « Par exemple, si quelqu’un recherche fréquemment des informations sur les prêts hypothécaires ou les impôts, cela indique probablement que cette personne a plus de 18 ans », illustre le site américain. Le dispositif aurait vocation à être testé courant 2025, en vue d’un déploiement à plus grande échelle à partir de 2026.