La justice américaine tiendra-t-elle la laisse ?

Alors que le service DOGE créé par Donald Trump et mené par Elon Musk a mis les mains dans divers systèmes informatiques de l’État américain, plusieurs actions en justice sont en cours pour le bloquer.
Depuis l’investiture de Donald Trump, le service nouvellement créé DOGE et dirigé par Elon Musk s’est précipité dans toute l’administration fédérale et les agences étasuniennes. Les agents de ce service, souvent très jeunes et menés par des anciens des entreprises du milliardaire, ont visé les systèmes informatiques du Trésor américain et du service des ressources humaines fédérales, mais aussi de différentes agences comme Medicare et Medicaid.
Mais plusieurs questions juridiques se posent sur cette campagne éclair, qualifiée la semaine dernière de « blitz » (en référence à la campagne de bombardements stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale menée par l’aviation allemande contre le Royaume-Uni) par le Washington Post, qui a recueilli la parole de plusieurs responsables de l’administration.
Les responsables des agences mais aussi Elon Musk visés par les plaintes
Comme l’explique ArsTechnica, trois plaintes récentes demandent à ce que le DOGE n’ait plus accès aux données et qu’il supprime celles qu’il a récoltées, considérant qu’elles ont été consultées illégalement.
L’une d’entre elles, déposée mardi [PDF], vise l’OPM (le service des ressources humaines fédérales) et son responsable Charles Ezell, le service du DOGE, mais aussi Elon Musk lui-même en tant que responsable de ce service administratif créé temporairement. Cette plainte, déposée par plusieurs syndicats de fonctionnaires américains épaulés par les avocats de l’EFF, affirme que « la loi américaine sur la protection de la vie privée interdit aux personnels de l’OPM de donner accès aux millions de dossiers à ceux du DOGE, qui n’ont pas de besoin légal et légitime pour un tel accès ».
Elle ajoute qu’aucune exception à cette loi ne couvre l’accès du DOGE aux dossiers détenus par l’OPM et affirme que « l’action de l’OPM accordant au DOGE un accès complet, continu et permanent aux systèmes et dossiers de l’OPM pour une période non spécifiée signifie que des dizaines de millions d’employés du gouvernement fédéral, de retraités, de contractants, de candidats à l’emploi, de membres de familles concernés et d’autres tiers n’ont aucune garantie que leurs informations bénéficieront de la protection que la loi fédérale leur accorde ».
« La violation de données la plus importante et la plus conséquente de l’histoire des États-Unis »
Une autre plainte [PDF] a été déposée lundi 10 février par un syndicat d’enseignants, un syndicat de travailleurs de l’aérospatial, une association de retraités du service public américain et un syndicat de fonctionnaires. Celle-ci attaque le Trésor américain, son secrétaire Scott Bessent, l’OPM et Charles Ezell et le ministère de l’Éducation des États-Unis pour avoir« permis à Elon Musk et à un groupe de loyalistes importés de ses entreprises privées de s’approprier les informations personnelles de millions d’Américains, en violation des exigences légales [de la loi américaine sur la protection de la vie privée] ».
Enfin, l’ONG Electronic Privacy Information Center (EPIC) a porté, elle aussi, les actions du DOGE d’Elon Musk devant un tribunal [PDF]. Selon ses avocats, leur plainte « découle de la violation de données la plus importante et la plus conséquente de l’histoire des États-Unis, actuellement en cours au Département du Trésor et à l’Office de gestion du personnel des États-Unis ». Pour eux, « cette violation sans précédent de la vie privée et de la sécurité concerne les informations personnelles de dizaines de millions de personnes, dont la quasi-totalité des employés fédéraux et des millions de membres du public américain ». L’EPIC accuse aussi l’OPM, le Trésor américain et le DOGE d’avoir « permis l’utilisation illégale de systèmes de données critiques hébergés par l’OPM et le département du Trésor, mettant en danger les plaignants et des millions d’autres Américains ».
Et ce ne sont pas les seules actions en justice contre les actions du DOGE depuis l’investiture de Donald Trump. Le New York Times a mis en ligne une page recensant toutes les plaintes contre l’agenda de Trump. Le DOGE en rassemble déjà 15 (en incluant les trois détaillées ci-dessus).
D’anciens employés d’Elon Musk mais aussi des greffiers de la Cour suprême et un consultant de McKinsey
Comme l’explique la plainte du syndicat d’enseignants et comme nous l’avions déjà évoqué, une bonne partie des agents du DOGE viennent des entreprises d’Elon Musk. Business Insider a enquêté sur cette équipe.
Elle serait composée d’une trentaine de personnes, composée de développeurs, d’anciens greffiers de la Cour suprême (notamment auprès du juge Clarence Thomas, l’un des plus conservateurs de la Cour), d’un ancien consultant de McKinsey et de financiers d’entreprise. Selon le média américain, la plupart sont en début de carrière. La quasi-totalité du personnel du DOGE sont enregistrés comme des bénévoles.
Un seul d’entre eux, Chris Young, travaillait auparavant en tant que conseiller politique. Ce stratège républicain, qui a aussi travaillé pour le laboratoire pharmaceutique PhRMA, avait déjà été embauché par Elon Musk à l’été 2024 pour élargir les efforts du milliardaire en matière d’organisation de terrain et d’incitation au vote pour l’extrême droite.