Des priorités prioritaires depuis déjà des années…

Pour les trois années à venir, la DGCCRF veut se renforcer autour de quatre grands axes. On y retrouve évidemment des incontournables comme les questions de consommation durable, mais aussi des sujets d’actualités avec les jeunes et les influenceurs. Deux dossiers de fonds qui « trainent » depuis des années et qui concerne quotidiennement les consommateurs sont aussi mis en avant : les dark patterns et le démarchage téléphonique.
Une présentation avant d’entrer dans le vif du sujet. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF pour les intimes), est une administration du ministère de l’Économie, elle n’est donc pas indépendante, contrairement à d’autres comme l’Arcom, l’Arcep, la CADA, etc.
Préparer l’avenir, avec des actions concrètes
En une phrase, sa mission est d’« enquêter pour protéger les consommateurs et les entreprises ». La protection des consommateurs passe aussi bien par la sécurité (produits non alimentaires) que les intérêts économiques. La DGCCRF doit aussi « veiller au bon fonctionnement concurrentiel des marchés » et « lutter contre les fraudes économiques ».
Elle vient de dévoiler un nouveau plan stratégique pour les années 2025 à 2028. « Plus qu’une feuille de route, ce nouveau plan stratégique porte une vision coconstruite avec les équipes et parties prenantes, qui fixe un cap ambitieux, dans un contexte marqué par des attentes sociétales de plus en plus exigeantes », explique la DGCCRF dans son discours introductif. Son plan doit lui permettre de « préparer l’avenir, avec des actions concrètes ».
La DGCCRF veut « maximiser l’impact » de ses actions
Pour les trois années à venir, quatre grands axes stratégiques sont mis en avant. Le premier doit « maximiser l’impact » de ses actions. Cela passera notamment par une meilleure exploitation des données remontées via la plateforme Signalconso qui permet aux consommateurs de signaler un problème avec une entreprise.
Autre point : « Enrichir nos pratiques d’enquête et de contrôle et renforcer les suites ». La répression des fraudes ne veut pas simplement taper du poing sur la table, elle veut visiblement rester dissuasive afin de « faire cesser rapidement les pratiques les plus dommageables ».
Sur le volet répressif, la DGCCRF veut ainsi « mobiliser davantage la réquisition numérique, développer les sanctions administratives pour certains manquements et de réprimer plus fortement les fraudes les plus préjudiciables pour l’économie ».
Consommation durable et information environnementale
On passe maintenant au deuxième axe : « Accompagner les transformations de l’économie et de la société ». La « consommation durable, désirable et équitable ». La DGCCRF veut développer son expertise et ses capacités d’enquêtes. Elle souhaite également encourager l’écoconception, tout en « veillant à la
loyauté de l’information environnementale ».
Cette semaine pour rappel, 33 revendeurs se sont engagés autour d’une charte pour réduire l’impact environnemental de l’e-commerce, avec la Fevad. Les grands noms du moment l’ont signés, mais il y a quelques absents notables comme le groupe LDLC et les chinois tels qu’Alibaba, Temu et Shein pour ne citer qu’eux.
Le cas des jeunes et des influenceurs
La Direction générale entend aussi s’intéresser aux nouvelles pratiques, rappelant que les consommateurs ont des pratiques diverses : « les jeunes par exemple tiennent davantage compte des avis des influenceurs pour acheter un produit ou un service ».

La DGCCRF dispose pour rappel depuis début 2023 d’un nouvel outil : le « name and shame » sur les injonctions, et pas seulement sur les sanctions administratives. Elle s’en est servie à plusieurs reprises (ici et là par exemple).
En 2024, elle publiait un triste bilan : sur 310 influenceurs contrôlés, la répression des fraudes avait délivré pas moins de 151 avertissements, injonctions et suites pénales. Le bilan 2023 n’était pas des plus glorieux non plus.
Dans un autre registre, la DGCCRF entend « prendre en compte les spécificités des territoires ultras marins en mettant en place un plan annuel spécifique, visant à mieux protéger les consommateurs et notamment les plus vulnérables ».
« Viser la même protection sur internet qu’en magasin »
Autre gros morceau de ce deuxième axe : l’ecommerce. la DGCCRF commence par un état des lieux : « plus de la moitié des signalements des consommateurs sur notre plateforme dédiée, signal.conso.gouv.fr, concerne des achats sur internet ». Il faut dire que les achats sur Internet ont le vent en poupe : « Au cours des douze derniers mois, ce sont 70,1 % des Français de plus de quinze ans qui ont effectué un achat sur internet », précise la Direction générale des entreprises.
La répression des fraudes rappelle que plusieurs textes européens ont été adoptés ces dernières années (DSA, DMA, RSGP, RIA…), mais aussi que « le numérique ne cesse jamais d’évoluer et d’innover » et qu’il faut donc constamment s’adapter et « proposer de nouveaux leviers d’action si nécessaire ».
La répression des fraudes veut « promouvoir un e-commerce de confiance » en renforçant par exemple les campagnes de prévention des arnaques et en valorisant les pratiques vertueuses.
Détection automatique des dark patterns
Rémi Stefanini, délégué à la transition numérique à la DGCCRF, apporte des précisions : « Nous renforcerons la lutte contre les dark patterns, ces interfaces web manipulatoires, en organisant une revue systématique des principales plateformes ». Avec le Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique (PEReN), la DGCCRF va essayer de développer « un outil de détection automatique ».
Cela ne surprendra pas grand monde, mais une étude des CNIL a monté que les dark patterns étaient partout sur Internet. C’était la conclusion d’une enquête du GPEN, réseau d’organismes agissant pour la protection de la vie privée au sein de pays membres de l’OCDE, suite au « ratissage » de plus de 1 000 sites et applications mobiles.
Dark patterns : un « un sujet prioritaire » depuis… 2023
Dans un rapport de juin 2023, le ministère de la transformation expliquait qu’une étude de la Commission Européenne avait « identifié des dark patterns sur 97 % des 75 sites les plus populaires dans l’UE ». Déjà à l’époque (il y a près de deux ans), il était précisé que « l’identification et l’instruction de ces dark patterns [étaient] devenues un sujet prioritaire pour les autorités de protection des consommateurs, en France et dans le monde ». Espérons que le plan stratégique se donne vraiment les moyens d’agir.
C’était l’occasion de rappeler que les dark patterns ne concernent pas que le design des formulaires d’acceptations qui poussent à des actions forcées. Le mécanisme de conception trompeur le plus utilisé est l’« utilisation d’un langage complexe et déroutant dans les politiques sur la vie privée ».
La DGCCRF donne quelques exemples de dark patterns courants sur les sites de vente en ligne : « Compte à rebours ou messages d’urgence, demandes multiples de confirmations de vos choix, choix présélectionnés, abonnement caché, entrave au désabonnement, panier rempli à votre insu ». En juin dernier, l’UFC-Que Choisir montait au créneau contre les dark patterns des sites d’e-commerce.

Renforcer la lutte contre le démarchage téléphonique
Le délégué affirme aussi que la répression des fraudes va renforcer sa « lutte contre le démarchage téléphonique, en automatisant par exemple la détection des numéros de téléphone les plus signalés afin de faciliter les enquêtes ». Nous avons déjà publié plusieurs guides sur le sujet :
- Qui m’appelle ? Petit guide pratique contre la fraude téléphonique
- Démarchage téléphonique : comment bloquer et filtrer les appels sur les fixes et smartphones
Le troisième axe pour les années 2025 à 2028 est de « mener une stratégie d’ouverture et de coopération forte ». Il s’agit pour la DGCCRF de « peser aux niveaux européen et international », de renforcer les partenariats institutionnels et de « renforcer la confiance des consommateurs et des entreprises ».
Le quatrième et dernier axe vise à renforcer la dynamique de réseau et les compétences de la DGCCRF. Elle veut ainsi attirer de nouveaux talents et « tirer pleinement parti du numérique » pour mener ses actions.