Manus et mens

Depuis une semaine, Manus IA agite la communauté de l’intelligence artificielle. Présentée comme un potentiel premier agent intelligent, l’outil s’appuie sur plusieurs modèles de langage déjà connus.
D’abord Deepseek, maintenant Manus : au pays des agents d’intelligence artificielle (IA), la Chine n’a pas fini de faire parler d’elle. Quelques jours après avoir été présenté au public, Manus attire les foules – son Discord officiel a grimpé au-delà des 180 000 membres en quelques jours –, le responsable produit d’Hugging Face Victor Mustar le qualifiant même d’« outil IA le plus impressionnant que j’aie jamais essayé ».
Dans une vidéo publiée le 5 mars et rapidement devenue virale, le directeur scientifique et cofondateur de Manus AI, Yichao « Peak » Ji, présente le produit comme un « agent complètement autonome », le « prochain paradigme de la collaboration humain-machine ». Manus est même décrit comme un agent d’intelligence artificielle générale (AGI), théoriquement capable de planifier puis d’exécuter des tâches sans supervision humaine.
L’esprit et la main
Avec son nom tiré de l’expression latine Mens et Manus, « l’esprit et la main » (qui est aussi la devise du Massachusetts Institute of Technology), Manus est édité par the Butterfly Effect, une société installée à Singapour. Financée par Tencent et cofondée deux mois avant la sortie de ChatGPT, cette entreprise chinoise a déjà rendu public un précédent produit, un assistant intelligent nommé Monica, rapporte le South China Morning Post.
En pratique, les cas d’usage présenté par Manus sont prometteurs. Si vous cherchez un appartement, l’IA parait capable d’analyser les annonces du marché en fonction des critères que vous lui avez soumis, pour ensuite produire une liste correspondant à ce que vous cherchez. Pour l’organisation de voyages, le développement de sites web ou encore de l’analyse de politiques d’assurance, elle est capable de planifier les tâches susceptibles de fournir un résultat fouillé.
L’engouement pour le produit a par ailleurs été alimenté par les modalités d’accès au test : comme le réseau social Bluesky a ses débuts, Manus distribue un nombre restreint d’invitations à ses beta testeurs, qui peuvent ainsi inviter d’autres beta testeurs, et ainsi de suite. Une manière d’adapter de manière progressive le nombre de serveurs nécessaires aux usages constatés… mais aussi de créer l’attente.
Claude et Qwen à la manœuvre
Au fil des expérimentations rendues publiques, cela dit, le fonctionnement exact de Manus s’est précisé. Alors que les cofondateurs de la société décrivent Manus comme supérieur aux outils Deep research et Operator d’OpenAI, notamment sur le benchmark GAIA, plusieurs testeurs ont rapporté des bugs, erreurs factuelles et de grosses lenteurs.
Surtout, Manus s’appuie visiblement sur le modèle Claude d’Anthropic. Si la comparaison du nouveau produit avec le modèle DeepSeek a d’abord été largement reprise, notamment par les médias chinois, de nombreux internautes se sont néanmoins étonnés que le fonctionnement réel de Manus ne soit pas rendu directement public.
Le 10 mars, Yichao Ji a lui-même précisé sur X utiliser Claude et le modèle Qwen d’Alibaba.

En Chine, souligne le South China Morning Post, nombreux sont les entrepreneurs – dont l’autre cofondateur de Butterfly Effect Red Xiao Hong – qui appellent à créer des applications concrètes aux grands modèles de langage, plutôt que de nouveaux modèles en tant que tels.
Dans un contexte d’intenses restrictions sur les exportations de GPU imposées par les États-Unis, le cofondateur de Baidu Robin Li Yanhong a par exemple regretté qu’en 2023 « une concurrence intense entre plus de 100 LLM s’est développée en Chine, ce qui a provoqué un gaspillage important des ressources, notamment de puissance de calcul ».