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Modération, étiquetage de données : visibiliser le rôle de l’industrie africaine

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Intelligence Africaine
Modération, étiquetage de données : visibiliser le rôle de l’industrie africaine

L’African Content Moderators’ Union et Personaldata.IO publient une nouvelle cartographie de la modération de contenu et de l’étiquetage de données pratiqués en Afrique. Celle-ci illustre les dépendances de l’industrie europénne et états-unienne.

« Il n’y a pas d’intelligence artificielle, seulement l’intelligence africaine. » Ces mots sont ceux de l’un des « travailleurs du clic » kényans rencontrés par le documentariste Quentin Sombsthay. Qui sont les personnes derrière les systèmes d’intelligence artificielle ? D’où travaillent les équipes en charge de la modération de contenu et de l’étiquetage des données nécessaires au bon fonctionnement des plateformes et outils que nous utilisons couramment ?

L’African Content Moderators’ Union (ACMU) et l’association Personaldata.IO se sont associées pour cartographier l’écosystème du travail du clic en Afrique. Ce faisant, leur projet illustre le rôle prépondérant de sociétés états-uniennes, européennes, émiraties et kényanes dans l’emploi de travailleurs du clic un peu partout sur le continent.

Une industrie à trois étages

La difficulté de leurs emplois surgit dans l’actualité lorsque certains s’organisent en syndicat, lorsque des plaintes sont déposées au Kenya ou au Ghana pour demander des conditions de travail qui prennent en compte les effets délétères d’une exposition répétée aux contenus les plus violents du web. Pour autant, saisir les liens reliant les différents acteurs de la chaîne de production des systèmes d’IA peut rester compliqué.

Auprès de Next, le sociologue Antonio Casilli rappelait début janvier que cette chaîne comprend trois principaux types d’acteurs : les géants numériques qui développent les systèmes ; les grandes entreprises spécialisées dans la sous-traitance – des spécialistes du numérique comme Scale AI, Appen ou Lionbridge comme des acteurs historiques des call centers, dont Teleperformance et Majorel ; et le maillage de « petites entreprises, plateformes, applications, qui captent des travailleurs directement chez eux, ou quelquefois en petits groupes, partout dans le monde. »

78 sociétés de business process outsourcing

Maillons essentiels de cette chaîne de fabrication d’IA, les sociétés de sous-traitance animent donc l’industrie du BPO (business process outsourcing, externalisation des processus métier) liée à la modération et à l’annotation de données.

Personaldata.IO et l’ACMU constatent que cette industrie s’est étendue sur tous les continents, puisque 39 des 54 pays africains comptent au moins un centre d’annotation ou de modération. En pratique, le Nigeria est le plus actif : les deux entités y dénombrent 8 centres de BPO, sur les 78 qu’elles ont cartographiés en Afrique.

Parmi les acteurs qui y emploient annotatrices et modérateurs figurent également l’entreprise espagnole Sigma AI, la néerlandaise Toloka, l’émiratie iSON Xperiences, la kényane Africa AI, ou les états-uniennes Telus International, Hugo, Cloud Factory, StepWise et Sama. En 2023, cette dernière avait renoncé à fournir des services de modération à Meta après une plainte conjointe pour abus et frein à la syndicalisation formulée par des employés kényans.

Certaines, comme la filiale de ScaleAI Remotasks, installée aux Philippines, emploie aussi les travailleurs sur la logique du travail à la tâche. En mars 2024, rapportent l’ACMU et PersonalData.IO, elle a brusquement cessé d’opérer dans plusieurs pays, privant notamment des travailleurs du Kenya et du Nigeria d’activité.

Si cette cartographie-ci se concentre sur l’Afrique, les BPO sont loin de se cantonner à ce seul continent. En Asie comme en Amérique latine, l’industrie s’étend, reproduisant d’ailleurs les dépendances économiques historiques des pays du Sud mondial envers ceux du Nord.

Data4Mods

La cartographie ainsi produite est le résultat de Data4Mods, un projet conjoint de l’ACMU et de PersonalData.IO qui vise à aider les travailleurs et travailleuses de la modération et de l’étiquetage de données à reprendre le contrôle sur leurs données personnelles comme à collecter des éléments sur leurs conditions de travail.

Outre les conditions de travail complexes, Data4Mods a permis à ses auteurs de constater que, « malgré leurs obligations légales, les entreprises ont souvent ignoré, retardé ou tronqué leurs réponses aux demandes de données. Ces obstacles documentés révèlent des violations systémiques des droits d’accès aux données, en particulier dans les chaînes d’externalisation mondialisées dominées par les grandes plateformes. »


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