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Shift Project : la trajectoire du numérique est « insoutenable », d’autant plus avec l’IA

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Shift storm dans 3…2…
Shift Project : la trajectoire du numérique est « insoutenable », d’autant plus avec l’IA

Dans un rapport intermédiaire sous-titré « quelles infrastructures dans un monde décarboné ? », le Think Tank de Jean-Marc Jancovici, The Shift Project, se demande quelle place l’IA doit occuper alors que nous allons devoir « s’affranchir de notre dépendance aux énergies fossiles ».

Dans une démarche plus modeste et à l’écoute d’éventuelles critiques, The Shift Project, a publié un rapport « intermédiaire » sur « Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ? » [PDF]. Le lobby explique que, « bien qu’il soit déjà le fruit d’un travail collectif, ce rapport intermédiaire est encore un document de travail imparfait, incomplet et évolutif » et propose de le contacter pour envoyer toute remarque, critique et proposition.

Ce travail, qui fait quand même une centaine de pages, permet néanmoins de réfléchir sur l’empreinte énergie-climat de l’intelligence artificielle et le développement des capacités informatiques.

Si dans son introduction, le Shift Project présente le numérique comme « à la fois outil et défi pour la décarbonation de l’économie », la direction actuelle est « une trajectoire insoutenable qu’il s’agit d’infléchir ».

La part du numérique croît toujours

En s’appuyant sur ses propres chiffres de 2021, le lobby explique que le numérique « représente déjà près de 4 % des émissions mondiales soit du même ordre que l’intégralité des véhicules utilitaires lourds dans le monde ». Mais surtout, il pointe que « la particularité du secteur numérique tient à la rapidité d’augmentation de ses émissions, qui croissent selon une tendance particulièrement incompatible avec sa décarbonation :+ 6 %/an en moyenne au niveau mondial (The Shift Project, 2021) et + 2 à 4 %/an en France ». Il ajoute que le constat fait en 2021 continue de se vérifier alors que certaines études de l’époque envisageaient un plafonnement de ces impacts grâce au progrès technologique.

Le Shift Project rappelle que les terminaux pèsent énormément dans l’empreinte carbone du numérique mondial. Mais il ajoute que « le numérique fonctionne en système et ses trois tiers (terminaux, infrastructures réseaux, centres de données) évoluent de concert, rendus interdépendants par les échanges de données. Les choix de déploiements faits au niveau des usages et infrastructures de la donnée impactent l’ensemble du système numérique tout en étant le résultat de la trajectoire générale donnée au système ».

« Rendre le numérique compatible avec la double contrainte carbone consiste donc non pas seulement à renforcer des leviers d’optimisation déjà déployés, mais à le placer sur une trajectoire fondamentalement différente de celle qu’il suit actuellement », explique le rapport.

Et pourtant, l’arrivée de l’IA générative ne va pas dans ce sens : « l’adoption massive d’un service par construction intense en calcul amplifie significativement la pression s’exerçant sur les ressources électriques et l’environnement ».

Sans données partagées, l’analyse des datacenters est difficile

Tout en n’oubliant pas les autres aspects du numérique, donc, « les centres de données sont aujourd’hui un élément central de cette nouvelle dynamique numérique », affirme le Shift Project. Mais le problème, comme nous l’avons déjà évoqué, c’est qu’il est très difficile de le mesurer.

« À l’échelle mondiale, le saut de 200 TWh à 460 TWh entre les deux publications IEA (IEA, 2021b, 2024a) ou entre celles de Masanet et LBNL (LBNL et al., 2024 [PDF]; Masanet E. et al., 2020 [PDF]) est révélateur de cette difficulté à mesurer et prévoir les consommations énergétiques à l’échelle de 3 à 5 ans », explique le rapport.

Et d’ajouter que « l’absence de suivi de l’évolution des centres de données ces dernières années et la confiance excessive placée dans le potentiel des gains d’efficacité semblent avoir freiné toute préparation concernant la production d’électricité pour ces acteurs, la gestion des réseaux de transport d’électricité ainsi que toute vision d’encadrement des émissions de gaz à effets de serre (secteur non inclus dans le marché de permis d’émissions EU-ETS, par exemple) ». Pour Le Shift Project, « ce manque de préparation se fait sentir, dans un secteur numérique aux dynamiques particulièrement intenses ».

Le rapport met son lecteur face aux historiques des estimations en consommation électrique des centres de données élaborés par le Lawrence Berkeley National Laboratory dans son rapport de 2024 [PDF] mais déplore qu’il n’existe de suivi historique réel : « il serait précieux pour l’action publique et internationale de retracer l’historique réel du déploiement des centres de données ainsi que d’évaluer les décisions prises en conséquence ».

Le Shift Projet a, lui, dans son rapport rassemblé diverses projections de la consommation électrique (TWh) des centres de données et des capacités informatiques (GW) réalisées par divers acteurs (de l’énergie, des cabinets de conseils, des labos R&D et académiques et des financeurs) :

Le rapport soulève par contre des précautions de lecture, expliquant que « la description des hypothèses dans les rapports consultés bien trop minime au vu de l’importance du sujet » mais aussi que les périmètres peuvent être bien différents selon les études. Le Shift Project explique d’ailleurs qu’il espère pouvoir « récolter, critiquer et consolider les valeurs des paramètres clés de la modélisation, afin de construire une vision d’ensemble transparent ».

Il propose déjà plusieurs conclusions. Notamment, que « le statu quo qui prévalait jusqu’en 2021 d’une consommation électrique mondiale annuelle des centres de données quasi-constante autour de 200 TWh est définitivement obsolète ». Mais aussi, il point le fait que les consommation et puissance de ces projections ne reflète « ni le type d’électricité employée ni l’empreinte carbone embarquée » alors que certains centres de données s’appuient sur le gaz ou le charbon.

L’IA générative exacerbe la tendance

Dans son rapport, le Shift Project affirme que « le déploiement actuel de l’IA générative exacerbe cette tendance d’ici 2030 en induisant une séquence d’investissements massifs sur tous les continents dont la nécessaire rentabilisation pourrait entraîner un triplement de la consommation en huit ans (en se basant sur la vision haute de l’IEA dans IEA WEO, aboutissant à une consommation de 1391 TWh) ».

Concernant l’empreinte carbone des centres de données, le Shift Project prévoit qu’« entre 2022 et 2030, les émissions de gaz à effets de serre évolueraient vers 514 à 864 MtCO2e, soit une augmentation de 80 % à 200 % ». L’hypothèse la plus pessimiste se base sur « un ajout de centre de données dont toute la nouvelle demande ne serait satisfaite que par du gaz » et un facteur d’intensité carbone de l’électricité qui stagne à 460 gCO2e/kWh.

Le Shift Project évoque aussi les effets induits par l’IA sur les terminaux. Il formule plusieurs hypothèses. « La prise en compte des nouveaux besoins en ressources numériques (mémoire et stockage, capacités de traitement) pour pouvoir rendre des services d’IA locaux (au niveau des terminaux) et déconnectés pourrait aboutir à l’augmentation de l’empreinte environnementale des terminaux, tant à la production qu’à l’usage », imagine-t-il.

Effet rebond

Et il projette que « les gains d’efficacité énergétique (qui ne concernent donc que la phase d’usage) au niveau des terminaux pourraient être contrebalancés par le renouvellement du parc dû à l’obsolescence (provoquée par divers facteurs : incompatibilité avec les nouvelles couches logicielles, déclenchement de l’acte d’achat d’un nouveau terminal simplement par attractivité des services offerts avec etc.) et les impacts engendrés par la production de ces nouveaux équipements ».

Le rapport évoque aussi les effets de l’IA sur les réseaux, mais l’analyse du Shift Project l’amène surtout à poser des questions comme « Aujourd’hui, le trafic lié à l’IA paraît mineur et n’est pas mesuré. Comment pourrait-on publiquement observer cette évolution ? » ou encore « L’intelligence artificielle peut-elle autant multiplier la création de contenus personnalisés et être à l’origine d’une hausse de trafic possible ? ».

On le voit, les évaluations des impacts de l’IA générative sur la consommation énergétique du numérique et son empreinte écologique restent encore à explorer.


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